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rentrée littéraire 2023 - Page 2

  • La vie XXL

    Tout droit venu des États-Unis, le roman de Mecca Jamilah Sullivan, Big Girl (éd. Plon) promet d’être un livre que l’on va scruter attentivement de ce côté-ci de l’Atlantique, à l’occasion de notre rentrée littéraire.

    Lorsque le roman commence, Malaya a huit ans. Fille unique, elle vit à Harlem entourée de ses parents. Elle pèse soixante-seize kilos, un poids qui est devenu un calvaire pour elle. La vie de l’enfant est rythmée par les réunions Weight Watchers où elle accompagne sa mère, les régimes que la gamine a du mal à tenir, les remarques récurrentes sur son physique, notamment par sa grand-mère "Ma-Mère", sans compter les moqueries de ses camarades à l’école, les réactions violentes des passants et les visites (inutiles) chez des spécialistes en diététique.

    Mais la jeune fille grandit. Elle se lie d’amitié avec Shaniece et, au lycée, intègre une bande d’amis chez qui son physique n’est pas un souci. L’adolescente Malaya se découvre les goûts d’une adolescente des années 90 : le rap, la mode (difficile, cependant, de s’habiller lorsque l’on a son gabarit), le dessin mais aussi l’amour. Mais il reste ce poids et cette obésité morbide. 

    KO par ippon

    Faire un roman sur un tel sujet et le rendre attrayant, passionnant et émouvant : voilà la très grande réussite de ce superbe roman de Mecca Jamilah Sullivan qui s’inspire ici de sa propre histoire.

    De son écriture fine, vivante et sans pathos, l’auteure nous plonge dans un Harlem qu’elle connaît très bien. le célèbre quartier connaît une gentrification inexorable. Les pérégrinations de la jeune fille dans un New York qu’elle connaît bien saisissent au plus près son quotidien, avec un corps qu’elle doit assumer et contre lequel elle doit également se défendre.

    Il ne faut pas par contre s’imaginer que Big Girl soit le récit d’un régime, même si la nourriture et les repas prennent une grande place au fil des pages. Il s’agit plutôt d’une émancipation contre les diktats physiques et l’histoire d’une jeune fille découvrant son identité, ses désirs et ses émois. Autour de Malaya gravitent des personnages au caractère bien trempé, à commencer par ses parents et une grand-mère souvent présente et rarement avare en discours inspirés.  

    Big Girl, cette histoire d’une jeune Américaine vivant la réalité de la discrimination physique est un message lumineux, comme si Mecca Jamilah Sullivan venait de mettre KO par ippon la cruauté humaine. 

    Mecca Jamilah Sullivan, Big Girl, éd. Plon, 2023, 496 p.
    https://www.lisez.com/livre-grand-format/big-girl
    http://www.meccajamilahsullivan.com

    Voir aussi : "À l’essentiel"

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  • À l’essentiel

    Préalablement à cette singulière expérience, il est indispensable de parler de son auteur, Maurice Barthélémy, ex Robin des Bois, scénariste et réalisateur (Casablanca Driver, Papa, Low Cost, Les Ex), et aussi écrivain et romancier. Son précédent livre, Fort comme un hypersensible, témoignait d’une de ces capacités exceptionnelles et qui peuvent devenir handicapantes.

    Dans son dernier livre, L’Expérience (éd. Plon), Maurice Barthélémy se fait romancier et suit les pas de Léo, un quadra sur la pente descendante. Divorcé, père d’une petite fille qu’elle ne veut plus voir, salarié "cleaner" dans une entreprise de nettoyage après décès, Léo plonge dans une profonde déprime. Il choisit un après-midi de la semaine de s’enfermer dans une salle de cinéma. Là, pendant deux heures, il coupe son téléphone. Il y a une seule personne dans cette salle, une femme. Mais aussi un écran qui s’allume et lui pose une question : "Ça va, Léo ?" Évidemment, ça ne va pas. L’expérience peut commencer.   

    Maurice Barthélemy va à l’essentiel, dans tous les sens du terme

    Dans ce court roman, Maurice Barthélémy plonge dans les pensées et l’âme d’un homme désœuvré, de notre époque d’ultramoderne solitude. Il le fait avec hypersensibilité mais aussi le sens de l’absurde, comme si Ionesco avait ressuscité et s’était téléporté en 2023.

    La solitude, un lieu hors du temps, le dialogue entre deux personnages et une présence venue d’ailleurs – l’écran d’une salle obscure. Le lecteur pourra aisément lire derrière ce roman qui se lit d’une traite une allégorie sur le cinéma. Un hommage et une déclaration d’amour.

    D’amour, il en est question justement : l’amour pour la fille de Léo, l’amour déçu pour son ex et un amour qui pourrait bien naître entre les deux spectateurs… Mais, impossible d’en dire plus dans cette chronique.

    Comment vivre sa vie dans le monde ? Comment prendre ses décisions, et comment savoir qu’elle est la bonne ? Maurice Barthélemy va à l’essentiel, dans tous les sens du terme. En désincarnant ses personnages – le troisième n’est-il pas une présence désincarnée sur un écran de cinéma ? – l’auteur entend rappeler, non sans humour, que la solution de nos problèmes existentiels est finalement au fond de nous. 

    Maurice Barthélemy, L’Expérience, éd. Plon, 2023, 128 p.
    https://www.lisez.com/livre-grand-format/lexperience/9782259315913
    https://www.facebook.com/maurice.barthelemy

    Voir aussi : "Traîné dans la boue"

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  • Un homme au dessus de tout soupçon

    "Aveu de faiblesse" aurait tout aussi bien pu être le titre du dernier livre de Frédéric Viguier, La Vérité n’aura pas lieu (éd. Plon). Aveu de faiblesse, comme le titre de son premier roman, comme aussi la dimension de culpabilité et cette manière d’observer l’âme humaine, celle précisément de son personnage principal sur lequel un écrivain doit se pencher.

    Frédéric Viguier utilise le "je" de l’auteur. Un auteur "à plein-temps" en plein doute littéraire après une première publication remarquée. Une lectrice, Gisèle Chabaud, le contacte et lui propose un sujet : écrire sur son fils Sylvain, qui s’est suicidé quelques années plus tôt après avoir été convoqué par la police pour une agression sexuelle sur une jeune fille.

    Gisèle veut réhabiliter l’honneur de son fils. Plutôt qu’une enquête, c’est un roman qui lui semble le plus à même de remplir ce rôle. Après pas mal d’hésitations, voilà donc notre narrateur parti sur les traces de son modèle, Truman Capote (De Sang froid), pour tenter de retracer un fait divers des plus banals. Mais comment raconter cette histoire ? Et surtout, Sylvain cachait-il quelque chose à ses proches ? L’écrivain s’interroge au fur et à mesure de son travail, conscient que ce qu’il va découvrir risque de déplaire à sa commanditaire.  "Ce n’est pas parce que j’ai écrit des livres que je me crois plus indispensable que la moyenne. Sylvain Chabaud méritait-il que je me repaisse de son cadavre ?"

    Il faut tout de même aller jusqu’à la dernière ligne pour deviner ce qui s’est passé

    L’auteur américain de De sang-froid est évoqué à plusieurs reprises dans le dense, nerveux et perturbant roman de Frédéric Viguier. Pour autant, La Vérité n’aura pas lieu se démarque du génie américain sur plusieurs aspects : il s’agit d’un roman ne se basant pas sur un fait divers identifiable, et cela ne concerne ni un crime de sang, ni un procès spectaculaire, puisque la convocation policière n’a été suivi d’aucune enquête officielle. Ce qui intéresse l’auteur est autant la destinée de son personnage principal – Sylvain Chabaud – que la manière de s’approprier une histoire pour en faire un roman.

    L’humour n’est pas absent, lorsque le narrateur aborde, principalement au début du livre, les affres de la création. Une fois le contrat signé entre la vieille dame et l’écrivain, le livre prend son envol. Dès le deuxième chapitre, c’est dans la tête de Sylvain Chabaud que se plonge le narrateur pour reconstituer le fil des derniers jours de son existence : ses journées de travail – et ses heures de voiture – la vie de famille, ses relations avec sa mère et surtout ses relations ambiguës avec Manon, la meilleure amie de sa fille Cassandra.

    Avec le même procédé, Frédéric Viguier choisit de s’intéresser à Alice, la femme de Sylvain, puis à Cassandra, à peine évoquée par Gisèle, transparente une bonne partie du livre, mais qui pourrait bien détenir la vérité, si tant est qu’elle existe car, comme le dit l’auteur dès le titre : "La vérité n’aura pas lieu". Il faut tout de même aller jusqu’à la dernière ligne pour deviner ce qui s’est passé, au terme d’un roman qui aura été aussi passionnant qu’un thriller. 

    Frédéric Viguier, La Vérité n’aura pas lieu, éd. Plon, 2023, 352 p.
    https://www.lisez.com
    https://www.fredericviguier.fr

    Voir aussi : "Lost"

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